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Les divisions religieuses qui ont façonné l'Europe

Les séparations entre les églises catholique romaine et orthodoxe orientale, et plus tard entre les églises catholiques romaines et protestantes ont façonné l’histoire de l’Europe. Dans cet article, Evert van de Poll explore comment ces divisions ont façonné nos nations européennes jusqu’à nos jours.

Ceci est un extrait du futur livre d’Evert van de Poll: ‘Foi chrétienne et le façonnement de l’Europe’.

Rémi Brague parle de la dichotomie qui émergea lorsque la Catholiques à l’ouest et les Orthodoxes à l’est devinrent de plus en plus séparés les uns des autres. Ceci mena à une ligne de division qui commençait au sud, où les Romains avaient divisé leur Empire en une partie occidentale et latine, et une partie orientale grecque. Elle sépara les royaumes francs subséquents de l’Empire byzantin. Elle passait entre l’Italie et la Grèce, et se dirigeait vers le nord, entre les peuples occidentaux et les peuples slaves orientaux, entre les peuples baltes et finlandais d’un côté et les Russes de l’autres. Cette délimitation a continué à marquer les divisions politiques jusqu’à la Première Guerre mondiale.

Selon Brague, ceci est devenu la limite orientale de l’Europe. Samuel Huntingdon, dans son célèbre livre sur les futurs conflits entre les civilisations au vingt-et-unième siècle, trace aussi une ligne entre la civilisation européenne et la civilisation orthodoxe.[1]

Cette perspective correspond à un préjugé répandu qui situe le cœur de l’Europe à l’Ouest, et tend à exclure la Russie du tableau. De manière intéressante, la ligne historique entre les régions catholiques et orthodoxes correspond, dans une large mesure, avec la frontière orientale de l’Union européenne actuelle. De plus, il existe beaucoup de tensions entre l’Union européenne et la Russie. Ceci renforce l’idée que c’est là où l’Europe se termine, mais ceci n’est tout simplement pas fidèle aux faits historiques.

Ceci impliquerait que la Grèce ne ferait pas partie de l’Europe, ce qui est absurde. De plus, comme le diplomate slovène Leon Marc l’explique de manière convaincante, les Slaves orthodoxes font autant partie de l’histoire européenne que les Polonais et les Slovaques.[2] La partie catholique a une orientation latine et romane, alors que la partie orthodoxe plus à l’est est enracinée dans la culture chrétienne grecque de l’Empire byzantin (la continuation de l’Empire romain d’Orient). Nous reviendrons à la question de ‘l’Europe de l’Est’ plus tard.

Dans le courant du 16ème siècle, une quatrième dichotomie émergea, entre les pays dominés par le Catholicisme au sud, et les pays dominés par des formes de Protestantisme au nord. Pendant plus de deux siècles, des princes catholiques et protestants s’entretuèrent dans des guerres religieuses dévastatrices. Bien qu’elles soient généralement appelées ‘Guerres de Religions’, elles étaient plus motivées par des intérêts politiques, par la compétition pour le pouvoir et par la rivalité économique que par des préoccupations chrétiennes sincères, à une époque où l’affiliation confessionnelle était en lien étroit avec les allégeances politiques. De plus, l’Eglise catholique lança la Contre Réforme pour repousser l’avancée du Protestantisme. Le résultat de tous ces conflits fut que le Protestantisme devint la religion dominante au nord et au nord-ouest de l’Europe. Le Catholicisme resta dominante dans les parties méridionale et centrales-orientales du continent..

Cette division a mené à des différences culturelles importantes. Les sociologues suivent généralement la thèse de Max Weber, qu’il y a un lien entre l’éthique protestante du travail et la montée du capitalisme. Nous observons que dans les pays catholiques, les peuples ont une perspective différente de l’autorité et de la gouvernance, plus hiérarchique ou pyramidale, que dans les pays protestants, avec plus de place pour l’initiative personnelle, plus démocratique. 

Il y a une autre différence importante à remarquer. Dans les pays catholiques, les Protestants et d’autres minorités religieuses ont été réprimées ou marginalisées. Au contraire, il a eu d’importantes minorités catholiques dans plusieurs pays protestants (Grande-Bretagne, Pays-Bas) ou régions (par exemple la Westphalie et la Bavière en Allemagne). Un problème dans les pays ‘protestants’ était la position des Protestants n’appartenant pas à l’Eglise principale ou de l’Etat : les non-conformistes, les dissidents, les Baptistes, les Mennonites ainsi que les Piétistes et les mouvements évangéliques qui ont quitté les Eglises principales. Pendant un long moment, elles étaient soumises à des restrictions légales, et dans certains cas même persécutées, mais au cours des 18ème et 19ème siècles, la pluralité du Protestantisme fut graduellement acceptée et toutes les Eglises ont obtenu un statut légal entier. En conséquence, les pays ‘protestants’ sont devenus plus habitués à la pluralité religieuse, laquelle a à son tour facilité le développement de la démocratie pluraliste plus tard.

Finalement, il existe une différence d’attitude envers l’Eglise institutionnelle parmi ceux qui ne pratiquent pas la foi chrétienne. Dans les pays catholiques, beaucoup d’entre eux maintiennent un certain lien avec l’Eglise, ce qui fait qu’il y a un plus haut pourcentage de Chrétiens nominaux ou non-pratiquants que dans les pays dominés par une tradition protestante. Dans le Protestantisme, être chrétien est fondamentalement une affaire de foi personnelle plutôt qu’une affaire d’appartenir à l’Eglise et de recevoir les sacrements. Les peuples dans un environnement culturel influencé par le Protestantisme, qui ne partagent pas les croyances chrétiennes de base, verront moins de raisons de rester affiliés à une Eglise. Dans ces pays, nous observons des plus hauts pourcentages de gens non-affiliés ou non-religieux.

Dr Evert van de Poll

Professor of Religious Science and Missiology at Evangelical Theological Faculty, Leuven and a pastor with the French Baptist Federation.

Image: domaine public (source: Wikipédia)


[1]Samuel Huntingdon, The Clash of Civilisations, p. 157-161.

[2]Leon Marc, What is so Eastern about Eastern Europe, p. 33ff.

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