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Dieu est-il populiste?

Les populistes revendiquent souvent parler au nom du Christianisme. Pourtant, un regard plus approfondi révèlera que le populisme offre souvent ‘un autre évangile’. Comment les Chrétiens peuvent répondre aux revendications du populisme? Dans cette pensée de la semaine, Jeff Fountain présente un livre qui aborde ces questions.

La Pensée de la semaine de Jeff Fountain

Pour certains, les résultats des élections en Grande-Bretagne, ce vendredi 13, a été une tournure effrayante de la comédie en tragédie ; pour d’autres, une réponse inattendue à la prière.

Une chose est certaine : la politique de nos jours est renversante, troublante, polarisante, déconcertante et imprévisible.

Remercions alors Dieu pour les quelques mots de bon sens pour aider à calmer nos nerfs, apaiser nos émotions et éclaircir nos esprits au cours de cette pause de Noël, regroupés dans un volume intitulé : Is God a populist ? – Christianity, populism and the future of Europe (Dieu est-il populiste ? Christianisme, populisme et avenir de l’Europe).

Le groupe de réflexion chrétien norvégien Skaperkraft nous a donné un livre pertinent, avec des contributions d’un éventail d’experts à travers l’Europe ; depuis des noms de renommée internationale tels que l’Allemand Jürgen Moltmann, âgé de 93 ans, le Britannique Nick Spencer, jusqu’à ceux connus localement en Espagne, en Suède et en Slovaquie.

La dernière décennie a vu une augmentation remarquable, à travers le continent, des références au Christianisme dans la politique européenne, principalement par des politiciens populistes. Que se passe-t-il ? Comment les responsables chrétiens devraient-ils réagir ? Qu’est-ce qui se cache derrière le mécontentement profondément enraciné qui appelle à un changement majeur ? Qu’est-ce qui a mené à une situation dans laquelle un tiers des trente-trois gouvernements européens comprennent désormais des partis populistes, soutenus par 26,8 pour cent des votes européens en 2018 ?

Ce livre vise à susciter des conversations entre les responsables chrétiens, les décideurs politiques et les Européens, en général, et à inciter les responsables chrétiens à réfléchir aux raisons pour lesquelles les églises ne répondent pas au besoin que les populistes semblent combler par leur discours sur l’héritage chrétien de l’Europe.

Vue d’ensemble

La première section offre une vue d’ensemble du concept ambigu du populisme, que la rédactrice Susan Kerr appelle une ‘épée à double tranchant’ : d’une part, encourager la participation démocratique, comme dans le mouvement des droits civils américain, dirigé par Martin Luther King, et de l’autre, détruire la démocratie, comme au Venezuela sous le Président Maduro. Luke Bretherton cite les exemples positifs du début du mouvement ouvrier britannique et du mouvement de Solidarnosc en Pologne. Mais lorsque le populisme revendique de parler pour les intérêts du peuple, quand en réalité ils définissent ‘le peuple’ comme étant ceux qui partagent leurs intérêts, excluant par conséquent les autres, ajoute-t-il, cela devient similaire à l’anti-Christ.

L’argument de Moltmann est que lorsque les nationalistes accordent la priorité aux intérêts de leur propre peuple (‘notre pays d’abord’), ils nient le fait que l’humanité partage une terre commune. Les Chrétiens devraient confronter le populisme à une solidarité universelle, dit-il, car l’église est une anticipation du royaume universel de Dieu et ne peut jamais se limiter à une religion nationale.

Christel Ngnambi, qui a représenté l’Alliance évangélique européenne à Bruxelles pendant 12 ans, suggère que nous demandions pourquoi les populistes ont perdu leur confiance et la crédibilité dans les institutions démocratiques. Pourquoi une minorité croissante et importante d’Européens remet-elle en cause la démocratie représentative ? Le populisme révèle un problème qui requiert de l’attention, écrit-il. Qu’ils soient de gauche ou de droite, les populistes s’accordent sur l’importance des communautés des croyants pour la cohésion sociale, souligne Ngnambi. Certains Chrétiens peuvent être attirés par le discours populiste dans lequel l’héritage judéo-chrétien est présenté comme le ciment qui peut résoudre le problème d’une identité instable et d’un sentiment général de perte. Cependant, prévient Ngnambi, le Christianisme promu par les populistes est essentiellement identitaire, vidé de foi et de spiritualité.

Un autre évangile

Le progrès de cet autre évangile devrait alarmer les Chrétiens : le Christianisme a été mentionné plus souvent dans les débats politiques publics de ces dernières années que dans les débats sur des questions de foi. Les responsables chrétiens doivent chercher à offrir un sens, une solidarité et un esprit civique face à la fragilité de la société, poursuit-il ; et montrer comment vivre avec la diversité, y compris celles des autres ethnies et religions.

Ulrich Schmiedel décrit comment le populisme allemand utilise le Christianisme comme cadre d’appartenance, et non de croyance, à une politique d’exclusion qui étouffe la participation démocratique. Joel Halldorf comprend le populisme suédois comme un désir de connexion, une réaction à la sécularisation de la société qui dépouille les gens de leurs traditions, de leur horizon spirituel et de leurs communautés soudées. Le Christianisme réduit à une idéologie entrera cependant en conflit avec les valeurs du fondateur, conclut Halldorf. Là où l’Etat séculier échoue, les églises peuvent offrir la fraternité et l’appartenance auxquelles les mouvements populistes aspirent.

D’autres chapitres sur la Slovaquie, l’Espagne, la France et la Grande-Bretagne (j’aurais aimé voir des chapitres sur la Hongrie, la Pologne et l’Italie) révèlent la diversité des mouvements résultant de contextes historiques différents. Le chapitre de Spencer, expliquant pourquoi le Royaume-Uni n’avait pas produit un parti populiste chrétien fort, malgré l’effet du populisme sur les débats du Brexit, conclut que la meilleure réponse au populisme chrétien est une présence chrétienne intelligente et théologiquement instruite dans le débat public.

Dans leur chapitre de conclusion, la rédactrice Susan Kerr et le directeur de recherche de Skaperkraft Øyvind Håbrekke admettent que le livre ne fournit pas toutes les réponses, mais vise plutôt à stimuler les réponses. Ils espèrent que les décideurs seront sensibilisés à l’importance d’aborder la religion dans la sphère publique, et que les responsables d’églises, réalisant comment et pourquoi cet autre évangile est colporté, commenceront à s’attaquer aux causes du mécontentement.

Car, selon eux, l’avenir de l’Europe est en jeu.

Jeff Fountain

Directeur du Centre Schuman

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